Il est peut-être dangereux de me parler de vous. Car je sais écouter et vous risquez de retrouver l’une ou l’autre de vos histoires ou anecdotes que vous m’auriez confiées pour me faire rire, me séduire ou vous épancher dans un récit où tout est fiction bien sûr, mais aussi tout est vrai, dans une certaine mesure. Alors, vous écouter, oui. Raconter qui je suis ? C’est justement une autre histoire.
Je suis née à la toute fin des années soixante dans une famille qui m’a comblée d’amour, de chaleur et de tout ce dont j’avais besoin. J’ai grandi tranquillement dans la banlieue parisienne entre mon frère et ma sœur. Mon goût presque exclusif dans ma jeunesse pour la lecture m’a amenée à faire des études littéraires sans trop me poser de questions. On peut lire toute la journée et cela s’appelle des études ? Cela m’allait et m’a conduit à l’enseignement. Il se trouve que cela m’allait aussi : ne pas avoir à quitter l’école qui avait semble-t-il été créée pour moi.
Mais le destin qui voulait sans doute que ma vie se réalise dans toutes ses dimensions m’a invitée à faire un petit tour par le métier de chargée de communication, après que j’eus fait un séjour d’une année en Ecosse à l’université de Stirling. Pourquoi ne pas mettre mes compétences linguistiques au service d’une société qui les appréciait. Il est vrai qu’il était temps pour moi de quitter l’école, l’enfance et les livres. Pour mieux les retrouver plus tard. Je ne sais pas si j’ai beaucoup communiqué pendant ces quelques années mais je garde un souvenir étonnant de cette expérience dans cette petite entreprise où nous avions à peine trente ans et enchaînions avec enthousiasme les nuits blanches et travaillions toujours dans l’urgence.
L’entreprise a finalement dû fermer et comme j’attendais mon premier enfant, j’ai décidé de revenir à mon premier métier. J’ai donc passé le concours de professeur des écoles. Ces années ont été consacrées à ma vie de famille assez chargée car j’ai vite été à la tête d’une famille très nombreuse, le père de mes enfants ayant déjà deux enfants, nous en avions cinq en tout. Ces années ont aussi été marquées par mon travail dans une école en Zone d’Education Prioritaire dans une cité en périphérie de la ville de Saint-Denis. J’y ai travaillé dix ans. J’y ai appris mon métier que j’ai pratiqué dans des conditions parfois extrêmes. J’y ai aussi vécu un choc des cultures. Par mon mariage, j’ai été appelée à côtoyer des membres de la haute société protestante dont fait partie mon mari, des personnes à la fois très riches, parfois très cultivées et intéressantes, souvent complètement déconnectées de certaines réalités sociales. Et je m’occupais par ailleurs d’enfants issus de familles de milieux défavorisés, vivant pour certains des situations de grande violence, dans une absence totale de culture et d’attention. J’ai eu à cette époque l’impression de mener une double vie, jouant un rôle (assez mal d’ailleurs) dans ma belle famille et n’osant raconter dans le cadre de mon métier que je rentrais dormir le soir dans un hôtel particulier en plein sixième arrondissement à Paris.
Tout cela et d’autres choses ont fini par me peser. C’est à cette époque que j’ai commencé à écrire mes premières nouvelles. Je faisais feu de tout bois et quelle que soit la qualité de ces textes, l’écriture m’a soustraite à certaines problématiques liées à mes conditions de travail et à ma vie familiale.
Depuis plusieurs années, j’exerce mon métier dans une école maternelle tout près de chez moi. Mes enfants ont grandi, ma vie s’est simplifiée et peut-être que, comme j’aime les situations humaines complexes, j’ai décidé d’accueillir un jeune cousin de mes fils, en rupture familiale. A la même période, un vieil homme émigré et sans vrai toit, a vécu aussi avec nous. Soir après soir, il m’a conté sa vie. Une relation particulière s’est alors nouée, due à ces récits, mais aussi à la nouvelle structure familiale : plein de garçons en train de devenir des hommes, un père de famille, et un vieil homme au bout du rouleau ; et moi seule femme parmi eux. J’ai eu besoin d’écrire ces récits dont il m’avait fait dépositaire et de comprendre par l’écriture ce qui se jouait en moi alors. Ce texte s’est poursuivi par plusieurs séries de nouvelles qui sont le reflet de ma vie actuelle.
Quelques années plus tard, je publiai un récit tiré d'une expérience pédagogique au sein d'une école maternelle publique 'l'école maternelle intime".
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