Quoi de plus jouissif que de voir sa patience récompensée aux bouts de longues journées d'attente ? Oubliées ces heures interminables à guetter l'arrivée tant attendue du renard, dans le froid hivernal, ou la rosée matinale d'un début de printemps. Il viendra, ils arriveront, je le sais, j'ai appris à les connaître et à décrypter leurs m??urs et leurs habitudes. Oubliées les courbatures. Devant tant de beauté, de grâce, à chaque fois, c'est un émerveillement de tous les instants. Souvent, j'en oublie de photographier, pour n'observer que la bête qui me fait face sans pour autant me voir. J'ai le vent pour moi, et couché dans les hautes herbes ou à l'abri dans mon affût, je reste subjugué par tant de bonheur, car c'en est un que de se retrouver face au monde sauvage. Et soudain je ferme les yeux, je ne fais qu'un avec Goupil, comme il me plait de le surnommer. Son odeur musquée, enivrante, me porte à mille lieux de là, dans sa tanière, ou lors de ses moments d'égarements, propres à son rang, mais revenant toujours aussi digne. J'apprécie sa beauté, ses couleurs qui me transportent vers des contrées magiques que moi seul peux percevoir. Sont-ce les battements de mon c??ur ou ceux du renard qui semblent résonner en moi ? Lentement je saisis l'instant présent, à jamais. Je le suis dans ses pérégrinations. Je deviens animal moi aussi. Je rampe, dans un champ de blé fraîchement moissonné, sur un lopin de terre boueux, ou à la lisière d'un bosquet. Parfois, lors d'un rendez-vous, à l'aube, j'admire avec une passion non dissimulée, un regard ambre où se reflète ce quelque chose qui en effraierait plus d'un. Alors seulement, au comble d'une joie indescriptible, d'un émoi infini, je consens à m'y perdre. A y noyer mon âme. Maître renard, majestueux, m'a hypnotisé. Je n'ai de cesse de le photographier, lui et ses humeurs, son instinct de chasseur lui faisant rapporter quelques larcins. Ses mimiques énigmatiques semblent porter en son regard quelque tristesse, ou une allégresse indicible. Son esprit de famille à vouloir protéger ses petits coûte que coûte, mais toujours et encore cette sauvagerie me fait le respecter, au-delà de la simple admiration. Parfois, oserais-je avouer qu'il ne m'est pas rare de refouler une larme d'émotion que je sens poindre au coin de l'??il ?
Texte de Fabienne Chopard