Jean-Marie Fraysse

Ma recherche s'est d'abord nourrie de l’histoire tourmentée de ma famille et de mon époque, un parcours lourd de drames et de peurs. Soixante années m'ont été nécessaires pour entreprendre le travail d'écriture au titre duquel, je me présente aujourd'hui. De quoi suis-je réellement l'auteur, en vérité ? C'est la raison la plus profonde qui désormais "m'oblige" à livrer dans chacun de mes récits, un témoignage différent sur le monde. Dans la grisaille de la banlieue Nord et du XIXème arrondissement de Paris, ce fut d’abord la solitude d'un enfant livré à lui-même, dans une famille meurtrie par l'incompréhension totale d'un monde qui n'était plus le sien. Après avoir fait les boulots les plus précaires, je suis entré à l'Université, en faculté de droit. J'y ai redécouvert la lumière qui avait disparu de l'horizon. J'y ai enchainé les années d'étude avec gourmandise, tout en travaillant pour financer mon nouveau parcours et poursuivre ainsi le chemin qui m'était tracé. J'ai trouvé ma voie dans la justice pénale. J'ai pris acte de la souffrance des autres et relativisé la mienne, je l'ai même oubliée. Et puis un jour, j’ai acheté la moto dont je rêvais et je suis parti en Corse. Retour vers le passé de ma mère, vaine illusion des racines retrouvées. On ne retourne jamais véritablement à ce qui a été rompu. Alors, je me suis mis à écrire. D'abord l'histoire de ce retour, pour me libérer définitivement de cette dernière rupture. "Des lieux en nous", roman, dans lequel, à l’aune de mon expérience de la vie judiciaire, j’explore le mécanisme du passage à l’acte, entre une lente maturation et un basculement soudain dans le crime. Pour Marguerite Duras, "écrire c’est hurler sans bruit". "Des lieux en nous" raconte une histoire, dans laquelle je décris des lieux, pour parler des gens, de l’identité et du déracinement. Désormais libéré de cette "histoire", je poursuis mon travail d’écriture comme on aime, passionnément et sans ménagement. Avec " L'histoire prodigieuse de Colin Khazar", petit être inactuel et désuet, j’entraine mon lecteur, d’une aventure à l’autre, dans une suite de sept nouvelles en forme de conte moderne décrivant avec perplexité la réalité d’une société qui a basculé entre l’insignifiance et l’oubli. Heureusement, le regard de Colin est resté celui d’un "être parallèle" sachant, avec dérision, rendre drôle ce monde qui ne peut plus être pris au sérieux par personne. Le reste est à venir, l'ami lecteur en attente, avec enthousiasme et curiosité.