FAUTE de MIEUX

Catherine embrassa la couverture de son agenda, esquissa un signe de croix, ferma les yeux en susurrant quelques mots, elle vérifia que les élastiques tenaient bien leur rôle de fermoir, elle glissa précautionneusement l'objet dans une enveloppe en papier kraft et enfin déposa le tout sous son oreiller.
Elle sourit, fière d'avoir bien accompli chacun de ses gestes.
En présence de son calendrier Catherine se sentait exister.
Chaque jour elle se livrait au cérémonial du calendrier.
Depuis qu'elle savait tenir un crayon et lire couramment elle y barrait, chaque soir, la journée écoulée.
Le calendrier, tel un grimoire, était constellé de signes de toutes les couleurs, noirci par des traits. Elle seule en connaissait la signification, les codes, le sens.
Rien ni personne n'aurait pu l'empêcher de se livrer à son rituel jusqu'à l'échéance qu'elle s'était fixée.
Comme chaque soir elle revoyait les mêmes phrases :
« Dans quelques semaines j'arrêterai cet interminable compte à rebours. J'aurai vingt et un ans, j'aurai enfin le droit de tout savoir, de tout connaître, sur moi.
Mes journées de solitude, les tristesses de ma vie seront balayées.
J'aurai une autre existence en découvrant mon enfance, mon passé.