Anne ROTGER


Anne Rotger, actrice, s'est lancée, depuis 2008, dans l'écriture.








Du même auteur.


Trente-trois gouttes (2008)

Du bleu dan

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Reliures : Dos carré collé

Formats : 11x17 cm

Pages : 106

Impression : Noir et blanc

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Anne Rotger, actrice, s'est lancée, depuis 2008, dans l'écriture.








Du même auteur.


Trente-trois gouttes (2008)

Du bleu dan

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Résumé

Anne Rotger, actrice, s'est lancée, depuis 2008, dans l'écriture.








Du même auteur.


Trente-trois gouttes (2008)

Du bleu dans les poulies (2008)

Mon Cadeau (2009)

La fille Pinocchio (2009)





Anne Rotger






























- 1 -




Je m'appelle Lô avec un accent sur le O. Ca vient de Lorna une bûcheronne. Ma mère avait vu un téléfilm qui racontait la vie de cette femme. Elle travaillait dans la forêt, entourée de bêtes. Ma mère a toujours aimé la nature et les plantes et elle connaît les noms et les saisons et le degré d'ensoleillement pour que ça pousse. Mais pourquoi tu n'as pas pris le prénom en entier, c'était beau LORNA ? Elle m'a dit, Lô ça suffisait bien pour un petit bout comme toi.

Il paraît que je faisais deux kilos six à ma naissance et qu'en plus j'avais la bouche toute déformée. La sage-femme a demandé qu'on ne me montre pas à ma mère, que j'allais lui faire peur avec mon visage tout bouffi, et pendant trois jours j'étais dans une chambre à côté. Mais tu n'as pas crié pour me voir, ça ne t'as pas inquiété ? Ma mère a haussé les épaules. Qu'est-ce que tu vas chercher ? J'ai dormi. J'avais bien besoin de repos.


- 2 -


J'ai toujours vécu à Beauvais avec ma mère. Elle est secrétaire chez le garagiste Clairon. Elle travaille beaucoup. Je hais les bagnoles et ma mère qui reste tard parce que les garagistes, ils n'ont pas d'horaires et que ma mère, elle obéit.
C'est le garage de la rue du Jura. Ma mère est enfermée dans une bulle. On peut la voir, bien mise, elle change de chemisier tous les jours, obligée pour la clientèle, ça va du jaune au rose en passant par le vert, mais toujours des nacrés, des couleurs pâles pour ne pas agresser. C'est un arc en ciel sur toute la semaine ma mère. Elle aime ça les hauts, les chemisiers, elle les repasse, elle les répare. Moi je me débrouille avec mes jeans et mes tee-shirt. Elle se lève tôt, elle rentre tard, un jour je partirai. Quand j'ai eu mon Bac au mois de juin dernier, elle m'a juste dit, c'est bien Lô, c'est bien.
Ma mère n'aime pas trop les livres. Elle préfère les revues. Ce qui se lit vite. Quand on en a marre de tout et qu'on veut juste des photos. Pour se détendre. Un peu d'images. Elle commente, raconte, elle en sait un paquet au sujet des actrices. Par exemple, Nicole Kidman, elle vieillit beaucoup en ce moment, ses seins tombent, elle ne tiendra pas la route longtemps.
Ma mère, c'est Colette. Colette Rémi. Sa fille Lô Rémi. Pas facile à porter, ça fait rire, pas très sérieux. Mais je m'en fous de tout ça et de Beauvais. Moi, c'est Paris.




- 3 -




Mon Dieu, j'ai mal, je vieillis, je deviens immobile
Il faut me secouer mon Dieu
En plus tu es invisible, pas facile
Tu es peut-être juste une lueur en moi
Je me sens souvent tellement fautive
C'est pas normal un Dieu qui me fait tout le temps marcher la tête baissée
Ma mère répète à longueur de journée, mais pourquoi j'ai fait une fille comme ça ?
Qu'est-ce que je peux dire ?
Je fais l'idiote, je m'enferme, c'est pas bon d'avoir autant de haine en moi,
Quand je dis que je voudrais mourir, elle me crie t'avise pas de faire un malheur, j'ai assez de soucis comme ça,
Elle me désespère,
Et moi je n'arrive pas à prier, je pense à tous ces regards méchants dans les églises, comme la propriétaire, madame Ladins. Elle fait la fière quand je la croise seule, elle ne me voit pas, mais moi je la vois, je lui souris même de loin, elle passe tout droit la salope. On avait deux loyers de retard alors pour s'excuser, ma mère lui a fait des réparations gratuites sur sa bagnole de salope, mais on lui doit quand même nos loyers à cette pouffiasse. Tu vois mon dieu, si je priais, je suis tellement mauvaise que t'arriverais pas à me pardonner.
Alors j'écris, comme ça, sans réfléchir. Du coup, je ne vais pas m'empiffrer. J'écris des mots, sans queue ni tête. Des genres de poèmes modernes. Parfois j'écris des résolutions, des choses que je veux absolument réaliser, comme me lever plus tôt, ne pas répondre des saloperies à ma mère ou ne manger que de la soupe pendant trois jours. Mon carnet est toujours avec moi. Comme un enfant que je porterais et je lui donnerais tout mon amour.
Mon Dieu, ça me désespère de sentir que j'ai envie de me donner des coups, envie de me tabasser, de m'insulter. J'essaie de me calmer et je gribouille alors des bouts de phrases que je n'arrive même pas à relire.
J'ai une toute petite radio et j'écoute des émissions intelligentes ou qui me rendent plus intelligente, c'est surtout les voix qui me font du bien, des voix tranquilles, appliquées, les personnes ont l'air gentilles. Une fois, j'ai appelé la station pour dire que je n'avais jamais couché, que les hommes me dégoûtaient mais qu'en même temps j'aimerais coucher. Ils ont pris ma question, mais la fille qui parlait avant moi traînait tellement en longueur à expliquer je ne sais plus quoi sur les manies de son copain que l'animateur a dit, Lô on est vraiment désolé, rappelez la semaine prochaine, vous serez la première à l'antenne. Evidemment je n'ai jamais rappelé.
Dans ma vie, il y a pas mal de trucs comme ça qui ratent, pourtant ça part bien et puis vlan au dernier moment, ça coince. Comme quand j'ai eu mal au pied gauche. On m'avait dit c'est rien du tout, dans quelques jours vous ne sentirez plus rien et puis un mois après ça me tirait encore quand je marchais trop vite. J'ai lu que tous les événements qui nous arrivent ont un sens, sauf que ce n'est pas écrit dessus, il faut s'interroger' Par exemple pour mon pied, j'ai eu un flash. Ralentis. Ca disait ralentis. Ma mère a raison quand elle dit que je veux tout tout de suite, c'est plus fort que moi, faut que ça saute, j'ai cassé plein de trucs à cause de ça. Pour moi, une vraie femme marche lentement, elle a des gestes dignes, elle sait qu'elle vaut quelque chose, et qu'on ne va pas lui rouler dessus ou l'insulter. Le problème c'est que je me sens souvent minable ou idiote, même quand j'ai eu mon bac, j'ai pensé qu'ils s'étaient trompés, qu'ils verraient leur erreur et qu'on allait m'écrire pour me dire, mademoiselle nous avons le regret de vous informer que finalement vous avez lamentablement échoué et pati et pata et puis rien, pas de courrier, j'ai même eu la mention bien.
Il me faudrait des leçons d'optimisme, comme quand j'avais mal au pied et que je pensais que je ne pourrais plus jamais marcher, ça se passait dans mon cerveau parce que maintenant je marche, donc dans ma tête, c'était noir foncé, le pire allait m'arriver et même c'était en train de m'arriver. Alors que si j'avais pensé à autre chose, si j'avais appelé des copines, si j'avais rappelé la station de radio, si j'avais inventé des poèmes noirs, si j'avais dit merci mon Dieu, c'est un message, ne vous inquiétez pas, j'ai compris, je vais ralentir, si j'avais demandé à ma mère de me masser même si elle m'avait dit, tu crois que je n'ai que ça à faire, te patouiller, même si elle m'avait rembarrée, au moins, j'aurais CHERCHEDES SOLUTIONS au lieu de me mettre tout de suite la tête dans le sac.
Mon Dieu, je crois que je suis trop compliquée pour vous et que je vais vous causer des ennuis si vous vous préoccupez de moi. Prenons des vacances. A plus tard.



- 4 -


Ma fille, elle a toujours été compliquée, et ses pourquoi, ses pourquoi, trop de questions et moi qui ne savais pas les réponses, ça me rendait nerveuse de ne pas pouvoir répondre à ma gamine. Enfant, elle prenait des airs de duchesse et dix minutes après elle allait pleurer dans la salle de bain. Je lui criais arrête de faire ta Sarah et elle redoublait de larmes. Je ne comprenais pas qu'elle souffrait, elle appelait au secours et moi je prenais ça pour un cirque de capricieuse. Je n'étais pas souvent là et puis souvent, quand je rentrais, elle filait dans son bureau. Sur le palier, il y avait un tout petit local avec les compteurs, elle en avait fait son bureau et elle restait enfermée pendant des heures dans ce cagibi. C'était une solitaire et en même temps elle voulait tout le temps parler. Elle mettait des phrases dans son cagibi, des phrases qu'elle recopiait ou des petits poèmes qu'elle inventait. Je n'avais pas le droit de rentrer mais comme il n'y avait pas de clé'






- 5 -




Je voudrais vivre dans la forêt et pousser comme ça naturellement

Je sentirai le vent

La sève généreuse m'irriguera

Mes mains attraperont un bout de ciel et je respirerai large

Mes dents croqueront des oiseaux qui n'avaient pas à se trouver là

Je grandirai

Mes pieds brûlants toucheront le volcan

Je serai bien, je serai libre, j'aurai des parents aimants et naturels

Lô, la forêt chantera Lô et nous danserons la nuit

Je deviendrai vraie, je deviendrai femme, mes seins nourriront les hommes des bois

Je me sens déjà mieux



- 6 -




Vu un psychologue sur les conseils de mon amie Jeanne. Va voir quelqu'un, ne reste pas comme ça, fais quelque chose. J'ai pris au hasard dans l'annuaire, docteur Joyeux, je voulais voir, j'ai vu.

Au travers de ses lunettes de myope, il m'a fixé en disant mais qu'est-ce qu'elle a ? Je me suis retournée en pensant qu'il y avait peut-être quelqu'un d'autre dans la pièce, et puis il a reposé sa question. Alors j'ai entamé le récit de mon histoire, j'ai commencé à tout déverser, ça faisait un peu sale dans son bureau scintillant, plein de statuettes anciennes qui devaient valoir une sacrée somme d'argent. Il m'a arrêté en hurlant, il vous faut des médicaments, c'est grave Mademoiselle, il vous faut des médicaments. J'ai ajouté que des fois, je traversais n'importe comment et que je m'en foutais, arriverait ce qui devait arriver. Il était rouge foncé, même ses yeux de taupe paraissaient injectés. IL VOUS FAUT DES MEDICAMENTS. Je me suis levée et lentement je suis sortie, fière d'être encore vivante, j'avais l'impression d'avoir échappée à un crime.

Dehors j'étais bien, c'était bientôt midi, et je me disais que des joyeux comme lui, ça donnait envie d'aimer tous les tristes et les mélancoliques. Après, je n'ai plus vu personne, je veux dire ni médecin, ni psy, j'ai fait autrement.

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